Zones sensibles : les leçons de la tarification de la congestion routière à Stockholm

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La tarification de la congestion routière est une idée qui gagne des adeptes dans les villes canadiennes. Dans la foulée de la déclaration du maire de Toronto, John Tory, en faveur de l’établissement de péages de congestion sur deux artères de la Ville Reine, nous examinons les politiques de tarification de la congestion dans le monde et en tirons les leçons pour le Canada – en nous appuyant sur notre rapport de l’an dernier sur le sujet. Premier arrêt : Stockholm et son système de tarification par zones.

Succès à la suédoise

La tarification de la congestion à Stockholm, en place depuis dix ans, a commencé par un projet pilote de sept mois en 2006. L’objectif était d’améliorer la mobilité au centre de la ville en réduisant le trafic. Le projet consistait à créer une zone centrale et à facturer les véhicules qui y entraient ou en sortaient, à l’aide de transpondeurs et de caméras. La ville emploie un système de tarification dynamique qui fait varier le droit d’entrée de 1,50 à 3 dollars canadiens (valeur de 2015) selon le moment de la journée, le tarif le plus élevé correspondant aux heures de pointe.

La politique stockholmoise a immédiatement eu pour effet de réduire la congestion au centre de la ville, après quinze années d’utilisation du réseau routier à pleine capacité. Durant la période d’essai, le nombre de véhicules franchissant le cordon de la zone centrale a chuté de 20 à 30 %, soit le double de l’objectif initial de 10 à 15 %.

La Ville, il est important de le noter, avait augmenté parallèlement l’offre de transport public. L’effet combiné des deux politiques, au cours de la période d’essai, fut une augmentation de 4 à 5 % de la demande pour le transport public. La tarification de la congestion avait accru le coût du déplacement automobile et fait baisser le coût relatif des autres moyens de transport. Ces effets se renforçant mutuellement, Stockholm avait pu augmenter la quantité et la qualité de l’offre de transport en commun. La tarification de la congestion avait aussi entraîné une réduction de 4 à 10 % des émissions de GES et de 7 à 9 % des polluants atmosphériques.

La preuve par l’exemple

On l’a vu, Stockholm a initié la tarification de la congestion routière en lançant un projet pilote. Juste avant le début de ce programme, l’appui du public à son égard était à son plus bas : 34 %. Mais en l’espace de 18 mois l’opinion favorable passa à 53 %, si bien que les Stockholmois finirent par voter en faveur de maintien du système sur une base permanente à l’occasion d’un référendum. Même parmi les conducteurs le plus fréquemment imposés, plus de 50 % se sont dits favorables au système après quelques années.

Figure 1. Opinion favorable à la tarification de la congestion à Stockholm Source : Transportal.
Figure 1. Opinion favorable à la tarification de la congestion à Stockholm
Source : Transportal.

Durant la période d’essai, les répondants avaient pu constater que les bénéfices de la politique de tarification – davantage d’espace de stationnement, moins de pollution atmosphérique – étaient appréciables et dépassaient leurs attentes. Ils jugeaient aussi que le coût du péage proprement dit, comme le fait de voyager plutôt en dehors des heures de pointe, entre autres sujets de préoccupation, se révélait moins problématique qu’escompté. Le succès du projet pilote fut essentiel dans l’obtention de l’appui du public.

 

La création de revenus fiscaux n’était pas l’objectif principal de la tarification de la congestion à Stockholm. Mais elle a joué un rôle important dans le succès du projet pilote. Les revenus nets de la tarification ont été clairement identifiés pour être affectés à un programme complet de transport, lequel comprenait l’amélioration des routes et du transport en commun. Le fait d’affecter les sommes recueillies à l’amélioration du transport public a augmenté l’acceptabilité sociale de la tarification du carbone dans l’ensemble des groupes socioéconomiques. Le fait que ces mêmes sommes soient intégrées à un programme d’investissement à l’échelle nationale a aussi fait en sorte que les collectivités locales et régionales aient leur mot à dire sur la manière de les dépenser. Une gouvernance transparente et des priorités claires sur la façon de dépenser les recettes de la tarification furent cruciales pour l’obtention du soutien de la population.

De Stockholm à Toronto

Quels enseignements Toronto peut-il tirer de l’expérience de Stockholm? Nous en voyons deux.

L’expérience stockholmoise donne à penser que les Torontois devront voir les bénéfices d’une telle politique avant d’être convaincus. À Stockholm, le niveau d’approbation à l’égard de la tarification n’a basculé qu’après la mise en place du projet pilote, lorsque les automobilistes ont pu constater par eux-mêmes que cette politique pouvait entraîner des trajets plus courts, d’une durée plus prévisible, et ce, du jour au lendemain. Les Torontois profiteraient eux aussi de trajets moins longs, pendant que leurs péages serviraient à maintenir en meilleur état les routes qu’ils empruntent.

La même chose vaut pour les revenus générés. Tous les citoyens de Stockholm, pas seulement les automobilistes, ont pu voir exactement à quoi ces revenus étaient affectés. Une gouvernance transparente alliée à des améliorations tangibles dans d’autres services, comme le transport en commun, ont joué un rôle crucial dans l’obtention et la conservation de l’appui de la population. Le maire John Tory a dit clairement à quoi le revenu de la tarification serait affecté; une partie doit notamment servir à l’amélioration des transports publics. Les bénéfices de la tarification peuvent s’étendre bien au-delà de la décongestion routière. Mais dans ce cas-ci, il semble qu’il faudra pouvoir le voir avant d’y croire.

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