Destruction créatrice : comment la décision chinoise d’interdire l’importation de matières recyclables pourrait profiter au Canada

La pollution Villes durables

La décision du gouvernement chinois de bloquer l’importation de matières recyclables cause de sérieux ennuis aux pays exportateurs de déchets comme le Canada. Jusqu’à présent, les deux tiers des déchets nord-américains étaient exportés vers la Chine. Mais voici que cette décision prive de débouchés une grande partie de ces déchets, ce qui force certaines villes à brûler leurs matières recyclables, à les enfouir ou à payer plus cher l’accès à de nouveaux marchés.

La décision chinoise confronte aussi les pays touchés à la pénible réalité des lieux et des méthodes de gestion des déchets. Ici même, elle révèle de quelle manière nos villes et provinces pourraient véritablement améliorer leurs systèmes de gestion. À plus long terme, il pourrait donc s’agir d’un mal pour un bien.

Problèmes transfrontaliers

La Chine interdit dès 2018 l’importation des matières les plus sales et polluantes comme les plastiques, les papiers non triés, les textiles et les résidus miniers. La décision n’était pas totalement inattendue et elle ne s’applique pas à toutes les matières recyclables. Mais dans l’industrie multimilliardaire du recyclage, elle a créé une onde de choc qui a déferlé de la Chine… jusqu’à nos bacs de récupération.

Du point de vue chinois, cette décision s’attaque à plusieurs problèmes intérieurs. Et d’abord au manque à gagner des importateurs. Car les matières importées étaient fortement contaminées par des ordures non recyclables et des déchets dangereux, ce qui réduisait leur valeur et obligeait les Chinois à tout nettoyer. En ce sens, l’interdiction est aussi affaire de principe : la Chine refuse désormais d’être la poubelle du monde.

Une ligne ténue entre ordures et matières recyclables

Plusieurs villes canadiennes ont vivement et coûteusement ressenti les effets de l’interdiction. Les matières recyclées s’y entassent et les courtiers de déchets – dont les administrations municipales – peinent à trouver de nouveaux débouchés. Certains les expédient en Inde, en Indonésie et en Thaïlande, mais ces marchés trop restreints seront vite débordés par des quantités pléthoriques de déchets.

D’autres villes prennent des mesures plus radicales. C’est ainsi que Halifax, qui exportait en Chine les trois quarts de ses matières recyclables, doit aujourd’hui brûler et enfouir une partie de ses déchets à faible risque, tandis qu’une autre partie pourrait être expédiée à l’autre bout du pays. Calgary connaît des problèmes semblables.

Et c’est sans parler des effets sur les budgets municipaux. Les villes génèrent en effet des revenus en vendant leurs déchets à des pays comme la Chine, ce qui les aide à financer le recyclage résidentiel. Mais le surplus de matières recyclables en fait chuter le prix. Edmonton, par exemple, prévoit dès cette année un baisse de revenus de près de 1 million de dollars. En Ontario, la municipalité régionale de Peel fait l’essai d’une technologie qui (espérons-le) réduira la contamination. Mais ces technologies sont elles-mêmes coûteuses.

Une transparence bienvenue

La seule idée de brûler ou d’enfouir des matières recyclables suffit à révulser tout écologiste qui se respecte. Mais rien n’est perdu, car l’interdiction pourrait profiter au Canada… à certaines conditions.

D’abord parce qu’elle nous oblige à réexaminer nos modes de gestion des déchets. Dans l’industrie mondiale du recyclage, aussi immense que concurrentielle, vendeurs et acheteurs privilégient la confidentialité. Résultat : même les recycleurs aguerris ne peuvent qu’imaginer la destination finale de leurs déchets. Il en va de même pour le véritable impact environnemental du recyclage résidentiel.

Or l’interdiction chinoise vient focaliser l’attention sur la nécessaire transparence de cette industrie. Elle met en évidence la dure réalité des collectivités qui reçoivent nos matières et les problèmes de contamination des flux de déchets municipaux. Déjà, l’industrie a réagi en assainissant ses ballots de matières compactées et en améliorant la transparence. Plus en amont, certaines entreprises tentent d’accroître la recyclabilité de leurs produits.

Pour des politiques plus judicieuses

Parallèlement, l’interdiction nous amène à réfléchir aux moyens d’améliorer nos politiques. Il est ainsi révélateur que ses répercussions varient à l’échelle du pays. En Colombie-Britannique, par exemple, les municipalités ont été moins touchées qu’ailleurs, notamment parce que les programmes de responsabilité élargie des producteurs (REP) y obligent les producteurs à assumer les coûts du recyclage.

De fait, les programmes REP de cette province imposent à l’industrie – plutôt qu’aux villes et aux contribuables – la responsabilité de gérer tout le système de recyclage et d’en payer tous les coûts : que le cours du marché des plastiques soit de 10 ou de 300 dollars la tonne, toutes les matières doivent être recyclées. Ces programmes peuvent aussi amener les entreprises à trouver des moyens plus économiques de produire et d’emballer leurs produits. Et ils peuvent aider à réduire la contamination grâce à de meilleures méthodes de collecte et de triage.

Pour l’instant, les programmes REP du Canada restent très imparfaits. Toutes les provinces en ont adopté, mais seule la Colombie-Britannique impose aux producteurs de gérer et de financer la totalité du système. En outre, la plupart couvrent uniquement le secteur résidentiel (y compris en C.-B.). Leur extension aux secteurs commerciaux, qui génèrent les deux tiers des déchets du pays, constituerait donc un excellent début.

Il faut toujours profiter d’une bonne crise

L’interdiction d’importation de la Chine a fortement ébranlé l’industrie du recyclage. Mais ses conséquences pourraient être positives si nous, producteurs de déchets, en profitons pour réexaminer où et comment nous les recyclons. Ici, au pays, la contraction du marché chinois fait ressortir l’utilité de politiques provinciales comme les programmes REP ou, sans doute plus significativement, les effets nuisibles d’une absence de telles politiques.

À mesure que d’autres conséquences se manifesteront, les Canadiens seront forcés de repenser la gestion de leurs déchets. Au cours des prochains mois, la Commission de l’écofiscalité analysera plus en détail les suites de la décision chinoise et les enjeux de la gestion des déchets au Canada. Restez en ligne…

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