Histoire d’eau à Okotoks : les leçons d’une petite ville en ébullition
Les petites et moyennes municipalités canadiennes font face à des défis particuliers lorsqu’il s’agit de maintenir en santé leurs systèmes d’approvisionnement et de traitement de l’eau. Pour réduire la pression qui s’exerce sur elles, beaucoup décident d’agir sur plusieurs fronts afin de conserver les ressources et de recouvrer leurs coûts. Comme le montre notre plus récent rapport, des redevances d’utilisation bien conçues (p. ex., basées sur des paliers de consommation) peuvent être efficaces pour maîtriser la demande; mais ce n’est pas le seul instrument disponible. Aujourd’hui, nous nous rendons à Okotoks, au sud de Calgary, une petite ville qui a fait sienne la « bonne pratique » no 10 de notre rapport : « Accompagner les redevances d’utilisation d’autres instruments, notamment dans le cas des municipalités de petite taille ».
Bulle démographique
Dans les communautés plus petites, les problèmes qui se posent à toutes les municipalités canadiennes sont magnifiés. Ces villes ont généralement moins de capacité financière pour construire des infrastructures, et moins de capacités techniques et administratives une fois qu’elles sont construites. Dans le cas des aqueducs et des égouts, même les opérations de base – comme établir un plan de gestion des actifs et installer des compteurs d’eau – peuvent se révéler insurmontables sans assistance extérieure.
Rares sont les petites municipalités qui y ont autant goûté que celle d’Okotoks. Depuis 2001, sa population a explosé, passant de 11 700 à 29 000. La croissance rapide a surchargé les services publics, notamment l’approvisionnement et le traitement de l’eau.
Au cours des quinze dernières années, Okotoks a fait de grands efforts pour réduire sa consommation d’eau et améliorer la viabilité de son système d’aqueducs et d’égouts. Grâce à un mélange original de redevances d’utilisation et de mesures non tarifaires, elle a obtenu des résultats positifs tant du point de vue du recouvrement des coûts que de la conservation de la ressource.
La consommation en chute
La baisse de la consommation d’eau par habitant à Okotoks est saisissante. La Ville a atteint plus tôt que prévu son objectif de 285 litres d’eau par personne par jour en 2013. Résultat : elle n’a pas eu besoin d’acheter de permis supplémentaires sur le marché albertain de l’eau potable. Une économie de 11,8 M$.
Cette chute importante de la consommation est le fruit d’une planification rigoureuse. La Ville a adopté son premier plan de gestion de l’eau en 2002 et l’a mis à jour en 2014 pour l’adapter à une population de 30 000 habitants. Okotoks n’est plus aujourd’hui qu’à 1 000 habitants de cet effectif; aussi, de nouveaux efforts ont été déployés. Par exemple, la municipalité reliera bientôt son réseau d’aqueduc à celui de Calgary afin de s’assurer que son approvisionnement puisse suivre la croissance démographique et demeurer abordable. Elle révise aussi la tarification en recherchant le juste équilibre entre une politique tarifaire rigoureuse et des politiques complémentaires bien pensées.
Serrer la vis
Les tarifs d’Okotoks reflètent le coût de l’expansion rapide du système en même temps que le besoin de réduire la consommation d’eau. Ils consistent en un mélange savamment dosé d’un montant forfaitaire, de redevances basées sur l’utilisation (le prix par unité d’eau consommée augmente à mesure que la consommation augmente) et d’un tarif fixe pour les eaux usées (le prix par unité d’eau rejetée ne varie pas).
Ces dernières années, Okotoks a choisi d’augmenter la partie fixe de sa redevance pour l’eau, afin de stabiliser les revenus. De 2014 à 2017, ces tarifs ont augmenté de 31 % par année (ils s’établissent maintenant à 7,33 $ par mois). Les tarifs par paliers de consommation, eux, ont augmenté d’un modeste 3,8 % par année.
Le comptage intelligent pour tous
Le comptage de l’eau constitue un prérequis aux redevances d’utilisation, mais Okotoks a décidé d’aller un peu plus loin. Les maisons et les entreprises sont dotées de compteurs d’eau depuis les années 1990, et le passage aux compteurs intelligents est accompli à 90 %. Nous parlons des avantages du comptage et des compteurs intelligents dans un autre billet, mais le programme d’Okotoks est remarquable compte tenu de sa faible population. Les compteurs l’ont aidée à ramener les pertes de réseau à seulement 5 %. Dans la plupart des villes canadiennes, grandes et petites, ces pertes tournent autour de 15 %.
Grâce à ses compteurs intelligents, Okotoks peut transmettre aux ménages des données sur leur consommation d’eau. Ainsi, les usagers reçoivent un portrait en temps réel de leurs habitudes de consommation, ce qui a pour effet d’améliorer leurs comportements, comme des recherches l’ont montré.
Les bons compléments
Okotoks a également mis en œuvre un train de mesures visant à sensibiliser les usagers aux utilisations non essentielles de l’eau. Ces politiques viennent souligner la valeur de l’eau, et non seulement son coût.
Certaines des mesures les plus innovatrices à ce titre relèvent de la planification urbaine. Elles visent à maximiser la productivité de l’eau, en réduisant les besoins des entreprises et des résidents. Autour des nouvelles constructions résidentielles, par exemple, on exige un minimum de 12 pouces d’épais de terre arable, afin de maximiser la rétention d’eau et de diminuer le besoin d’arrosage et de récupération des eaux de ruissellement.
Beaucoup de ces initiatives s’appuient sur des campagnes de sensibilisation du public. La participation citoyenne est en effet essentielle au succès de ces programmes. Okotoks met en avant sa petite taille pour convaincre ses résidents de l’importance de conserver l’eau et d’entretenir leurs infrastructures.
Leadership local
Notre rapport montre que l’eau est une question d’envergure nationale qui peut être traitée à l’échelon local. Les efforts d’Okotoks prouvent que le leadership en matière de politique de l’eau n’a pas à être abandonné aux grandes villes du pays. Sa vision d’un système régional, son dosage de redevances d’utilisation et de politiques complémentaires, ses efforts de sensibilisation devraient mettre l’eau à la bouche de toutes les petites villes canadiennes.
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