Tarifs de saison : un village en quête de sécurité hydrique
Les étés secs sont chose courante en Colombie-Britannique, surtout depuis quelques années. La forte aridité entraîne son lot de mauvaises récoltes, de feux de forêt et de pénuries d’eau. En prévision des sécheresses qui sont appelées à se multiplier, les municipalités britanno-colombiennes adoptent des stratégies novatrices pour conserver leurs ressources en eau. Aujourd’hui, à partir de notre nouveau rapport identifiant 10 bonnes pratiques pour l’approvisionnement et le traitement de l’eau, nous nous intéressons à Tofino, une communauté de 2 000 habitants qui fait figure de pionnière en ce qui concerne notre bonne pratique no 7 : Ajuster les tarifs au contexte local.
Un Éden – et un pépin
Niché dans la forêt pluviale tempérée de l’île de Vancouver, Tofino est une station touristique réputée pour ses paysages, le surf et les produits de la mer. Mais souvent, en dépit de sa situation géographique, l’eau s’y fait rare. C’est qu’à cause de son industrie hôtelière florissante, la population du village double durant la saison estivale, ce qui met à rude épreuve ses ressources hydriques limitées.
Source: District de Tofino, Débit d’eau quotidien
Le risque de pénurie d’eau est une préoccupation de chaque été, mais la sécheresse de 2006 – l’une des pires jamais enregistrées – a servi de catalyseur de changement. La situation était telle cette année-là qu’il a fallu faire venir de l’eau potable par camion pour éviter que les commerçants ne doivent fermer boutique. La vulnérabilité de Tofino aux pénuries était devenue évidente.
Depuis 2007, Tofino s’est appliqué avec constance à raffiner la structure de sa tarification de l’eau afin d’assurer la conservation de ses ressources et de combler son déficit d’infrastructures. Les trois dernières années ont été passablement sèches, mais Tofino a tenu bon. Pas de camions-citernes, pas d’état d’urgence.
Beau et chaud… et sec
L’aspect le plus inhabituel de la redevance d’eau de Tofino est sans doute la tarification saisonnière. Durant les mois d’été, les tarifs augmentent pour les usagers commerciaux et industriels (alors que la demande est aussi à son sommet) afin de signaler la rareté et d’encourager les économies d’eau. L’hiver, l’eau est plus abondante, et les tarifs baissent. Pour l’instant, la tarification saisonnière est une curiosité au Canada, quoique Vancouver ait décidé d’y tremper son orteil elle aussi.
En 2015, après une décennie d’expérimentation, Tofino a mis à jour sa structure tarifaire saisonnière en la simplifiant. Les usagers non résidentiels, comme les hôtels et les entreprises, paient désormais 1,80 $ le mètre cube d’eau en été et 1,30 $ en hiver, en plus du tarif de base. Un tarif plus élevé fait diminuer la consommation, et des recherches montrent que c’est particulièrement vrai dans le cas des gros utilisateurs.
Par la même occasion, Tofino a éliminé la tarification saisonnière pour les clients résidentiels en la remplaçant par une structure tarifaire à plusieurs paliers. La redevance comprend maintenant un tarif de base fixe et un tarif qui augmente par blocs de consommation. Cette approche constitue un compromis. Le tarif pour les résidents ne reflète plus les variations saisonnières de la quantité d’eau disponible, mais il aplanit les versements trimestriels des ménages, il maintient un signal de prix à l’année longue et il assure au service public des revenus prévisibles.
Tarif résidentiel pour l’eau potable à Tofino*
* Le tarif pour le traitement des eaux usées épouse la même structure, moins 10 pour cent.
Ce nouvel effort de Tofino pour réduire la demande d’eau a contribué à améliorer sa sécurité hydrique, dans un contexte où la population double pendant une partie de l’année. Forte ses capacités fiscales renforcées (et grâce aussi à des subventions), la municipalité a été en mesure de construire une nouvelle usine de traitement des eaux usées en 2010 et de moderniser son système de réservoirs afin de se prémunir contre la sécheresse.
Aux premières loges
À Tofino, les pénuries d’eau étaient devenues un problème majeur et récurrent. Les citoyens en ressentaient les effets de manière directe, et ils ont pris conscience du risque qu’ils couraient. Avec les réformes, le coût des services d’aqueduc et d’égouts a augmenté de façon constante, mais les résidents ont compris que c’était nécessaire s’ils voulaient préserver la qualité de leur eau, sa disponibilité, et leur mode de vie. Dans cette municipalité qui dépend en partie d’un tourisme saisonnier important, les gens ont choisi de se protéger adéquatement.
La petite taille de la population permanente explique en bonne partie le succès de la municipalité lorsqu’il s’est agi de communiquer la gravité de la situation. Lorsque celle-ci a modifié le régime de tarification, les habitants en voyaient la nécessité. Les petites communautés aux prises avec la sécheresse ou d’autres problèmes affectant leur approvisionnement en eau pourraient prendre exemple sur Tofino.
Signal, stabilité, sécurité
Les redevances d’utilisation, lorsque adaptées au contexte local, peuvent aider les municipalités à faire face aux défis nombreux et apparemment contradictoires que pose leur système d’approvisionnement et de traitement des eaux usées. Tofino a su appliquer ces principes en raffinant graduellement et sans relâche sa méthode de financement de son aqueduc et de ses égouts, tout en mettant les résidents de son côté.
La tarification saisonnière n’est que l’un des instruments à la disposition de Tofino, mais il est particulièrement utile aux municipalités affectées par les sécheresses. Ce qu’il en coûte au service public pour recueillir, traiter et acheminer l’eau potable peut varier d’un mois à l’autre. Grâce à la tarification saisonnière, les municipalités peuvent signaler ces variations aux usagers. Avec sa recette particulière de redevance et la sensibilisation des citoyens, Tofino a réussi à faire en sorte que les crises comme celle de 2006 appartiennent au passé.
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