Redevances d’utilisation : comment bétonner la viabilité financière et environnementale des services municipaux d’aqueducs et d’égouts

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L'eau

Il est si facile d’ignorer, au quotidien, l’importance des services municipaux d’approvisionnement et de traitement de l’eau. Les systèmes complexes qui permettent d’alimenter des millions de familles et d’entreprises canadiennes sont essentiels à notre santé, à notre économie et à notre environnement. Pourtant, partout au pays, les services municipaux des eaux font face à de graves difficultés. Le plus récent rapport de la Commission de l’écofiscalité, Cacher les aqueducs mais pas leurs coûts : bonnes pratiques en matière de tarification et d’amélioration des services municipaux d’approvisionnement et de traitement de l’eau, montre comment des redevances d’utilisation bien conçues peuvent aider à relever ces défis en encourageant la conservation de la ressource, en finançant les infrastructures et en protégeant la qualité de l’eau.

Pourquoi l’eau, pourquoi maintenant?

Les villes et villages canadiens ont fait des pas de géant dans la gestion de leurs services des eaux, notamment dans la façon de financer leurs infrastructures. De plus en plus, les municipalités utilisent pour ce faire des redevances d’utilisation. Ces redevances (une « taxe d’eau » que l’on paie chaque mois ou chaque trimestre) créent un signal de prix qui incite à la conservation, et elles génèrent les revenus nécessaires à la bonne santé des aqueducs et des égouts.

Malgré les progrès accomplis, les systèmes municipaux d’aqueducs et d’égouts ont des défis importants à relever. Les Canadiens paient leur eau et leurs services d’égouts moins cher que partout ailleurs dans le monde ou presque, et ce prix ne tient pas compte de la totalité des coûts de production et d’entretien. Plusieurs municipalités possèdent des infrastructures vieillissantes qui exigeront des investissements importants dans les décennies à venir

Au même moment, certains des écosystèmes naturels sur lesquels reposent les services municipaux des eaux subissent un stress intense. À l’échelle planétaire, les Canadiens sont de très gros consommateurs d’eau. L’accroissement démographique, l’urbanisation et la décrue des eaux durant les mois d’été – sans compter les changements climatiques – menacent la viabilité des réservoirs naturels. Les déchets et les produits chimiques que nous renvoyons dans ces réservoirs affectent les écosystèmes naturels, en dépit des technologies de traitement avancées que les municipalités s’efforcent d’employer. Insuffisamment traités, les effluents dégradent nos lacs, nos rivières et nos océans.

Ce que peuvent des redevances bien conçues

Les redevances d’utilisation bien pensées sont au cœur de la résolution de tous ces problèmes complexes et interreliés. Elles peuvent à la fois générer des revenus et envoyer un signal de prix clair. Sans être une panacée pour tous nos problèmes d’eau, elles décrochent le premier rôle.

Au contraire des autres politiques fiscales ou environnementales, les redevances d’utilisation établissent un rapport direct entre le coût du service fourni et le prix payé par le ménage ou l’entreprise qui le reçoit. Ceux qui utilisent moins d’eau paient moins; ceux qui en consomment davantage paient davantage. C’est un signal de prix clair en faveur de la conservation. À long terme, cela permet de diminuer les coûts de construction et d’entretien du réseau

Les redevances d’utilisation sont plus flexibles que les autres instruments de financement. On peut leur donner les caractéristiques que l’on veut, par exemple pour les adapter au contexte local. Les revenus qu’elles génèrent servent obligatoirement – c’est la loi – à payer le service concerné. Ainsi protégés, ils assurent un financement stable au service public et permettent une planification à long terme.

Payer ce que ça coûte

Les redevances d’utilisation bien conçues visent essentiellement à changer la façon dont nous payons les services d’approvisionnement et de traitement de l’eau. Mais elles ont aussi quelque chose à voir avec le montant que payons. Car la viabilité financière et environnementale des services publics n’est possible que lorsque ces derniers récupèrent la totalité de ce qu’il leur en coûte pour livrer le service.

Chacun d’entre nous comprend instinctivement que le prix d’un bien devrait au minimum permettre de récupérer la totalité de son coût. Et pourtant, au Canada, les prix des services d’approvisionnement et de traitement de l’eau ont été fixés à un niveau inférieur aux coûts pendant des décennies. Par conséquent, les services publics n’ont pas recueilli suffisamment d’argent pour effectuer les réparations et les mises à niveau nécessaires. Bien que les municipalités tentent actuellement de rattraper le temps et les investissements perdus, elles sont nombreuses à chercher le moyen de payer la facture.

Les redevances d’utilisation peuvent aider les municipalités à recouvrer intégralement leurs coûts et à annuler graduellement les effets de décennies de sous-investissement. Les redevances permettent aussi de rendre les services publics plus autonomes, c’est-à-dire moins dépendants de sources de financement extérieures à la municipalité.

Les bonnes pratiques, d’un océan à l’autre

Dans toutes les provinces, certaines municipalités font déjà avancer les choses. Notre rapport présente cinq études de cas qui mettent en lumière les défis et les possibilités liés à l’adoption des redevances d’utilisation. Chaque municipalité a ses propres priorités – dans un contexte qui lui est également propre –, mais dans tous les cas les redevances produisent des avantages  économiques et environnementaux.

À la lumière de ces progrès, nous énonçons dans notre rapport 10 bonnes pratiques.

La base des redevances d’utilisation bien conçues, c’est l’installation de compteurs d’eau et la mise au point de stratégies permettant de calculer et de récupérer les coûts du service. La Ville d’Ottawa, par exemple, oblige toutes les unités d’habitation – les nouvelles comme les anciennes – à posséder un compteur d’eau. Récemment, elle a remplacé tous les compteurs analogiques par des compteurs « intelligents », ce qui lui permet de suivre de plus près la consommation et de détecter les fuites. Ces changements améliorent l’efficacité du système.

L’étape suivante, c’est la conception des redevances elles-mêmes. Par exemple, en adoptant une redevance à volets multiples, une municipalité peut facturer aux ménages et aux entreprises un montant forfaitaire (par mois ou par trimestre) et y ajouter un montant basé sur le volume d’eau consommé. D’un côté, le montant forfaitaire assure au service des eaux une stabilité de revenus et l’aide à payer ses coûts fixes importants (notamment les grands réseaux d’infrastructures). De l’autre, la partie qui varie en fonction de la consommation constitue un signal de prix qui incite à économiser l’eau. Gibsons, en Colombie-Britannique, a fait des redevances d’utilisation à volets multiples la pierre angulaire de sa stratégie de conservation et de récupération des coûts – coûts dans lesquels elle a par ailleurs inclus la protection de son aquifère unique.

Bon nombre de municipalités canadiennes ont entrepris d’adopter certaines de ces bonnes pratiques, mais rares sont celles qui les appliquent toutes. Le moment est donc favorable pour changer notre manière de payer les services d’aqueducs et d’égouts et pour faire en sorte qu’ils deviennent viables, tant du point de vue financier qu’environnemental.

Les infrastructures qui servent à traiter et à canaliser notre eau potable et nos eaux usées sont peut-être cachées. Mais leurs coûts devraient être visibles, bien en vue.

Lire le rapport Découvrir nos événements

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