Agir maintenant ou en payer plus tard le prix exorbitant : l’urgence d’agir

Climate change impacts are significant
Climat et énergie

L’ampleur des répercussions du réchauffement planétaire sur notre économie et notre bien-être s’accroît de jour en jour. D’où la nécessité pour tous les pays d’adopter de solides mesures de réduction des gaz à effet de serre, disent de concert des leaders mondiaux, l’Agence internationale de l’énergie, les Nations unies, la Banque mondiale, des milliers de scientifiques et la Commission de l’écofiscalité du Canada.

Les changements climatiques menacent non seulement notre prospérité mais ébranlent aussi l’espoir des pays pauvres de connaître un jour la qualité de vie dont nous jouissons ici, au Canada. Et notre délai d’action s’amenuise à mesure que se multiplient les risques de l’inaction : montée du niveau des mers, phénomènes météorologiques extrêmes, variations de l’approvisionnement d’eau pour l’agriculture, la production hydroélectrique et les besoins des collectivités, acidification des océans, perte de terres agricoles et forestières, disparition d’espèces, nouveaux vecteurs de maladie et menaces à la santé publique. Le Canada subit déjà plusieurs de ces impacts sous forme de pertes de forêts, d’infestation du dendoctrone du pin, d’un recul de l’enneigement, de la fonte des glaciers et d’inondations dans toutes les régions du pays.

Bref, pour paraphraser l’adage : rien ne servira de courir, il nous faut partir à point. Oui, le monde doit clairement changer de cap. C’est d’ailleurs ce que souhaite l’immense majorité des Canadiens, et nous en sommes tout en fait capables. La première étape, décisive, consiste à suivre l’exemple des nombreux pays et gouvernements sous-nationaux qui ont déjà fixé un prix sur le carbone.

La tarification immédiate du carbone relève d’une politique judicieuse sur le double plan économique et environnemental. Pour cette raison très simple : plus nous tardons à réagir, plus il en coûtera cher aux ménages et aux entreprises du pays.

Voici les risques que nous pouvons et devons éviter :

  • Perturber l’économie. Le monde se convertit à la décarbonisation et le Canada doit lui emboîter le pas. Amorçons-nous cette transition dès aujourd’hui ou nous précipiterons-nous demain pour rattraper notre retard ? Telle est la seule vraie question. Nul doute que nous perturberions notre économie en imposant trop rapidement de vastes réductions d’émissions. Mais en tarifant le carbone, nous créons le délai nécessaire à une transition graduelle vers une économie sobre en carbone à l’aide des mécanismes les plus efficaces et les plus efficients. Le seul fait d’accroître le rendement énergétique, par exemple, amoindrit les coûts de gestion des entreprises et des ménages. Il s’agit de gains nets, que la tarification du carbone renforcera en accélérant l’abandon d’activités dévoreuses de carbone. Face aux changements qui s’imposent, la recommandation de la Commission de jumeler cette tarification à un vaste champ d’application et à une augmentation graduelle du prix carbone permettra un ajustement moins coûteux et plus progressif.
  • Perdre des actifs. Les décisions d’investissement que nous prenons aujourd’hui détermineront le profil d’émission du Canada à partir de 2020. Si nous tardons à tarifer le carbone, la rentabilité de ces investissements risque d’être perdue lorsqu’un prix carbone sera finalement appliqué. Le retrait d’immobilisations à forte intensité d’émissions avant leur obsolescence physique constituerait ainsi un véritable gaspillage. Sans parler des emplois perdus qu’on aurait pu maintenir en accélérant l’innovation et l’investissement dans les technologies à faible teneur en carbone.
  • Prendre du retard. Plus nous tardons à appliquer nos propres politiques sur le carbone, plus nous risquons de voir d’autres gouvernements nous imposer leurs mesures sous forme de tarifs ou de restrictions commerciales. La tarification du carbone est le moyen le plus transparent de démontrer que nous ne subventionnons pas nos secteurs à forte intensité d’émissions. Chine, États-Unis, Corée du Sud, Mexique, Californie, Colombie-Britannique, Québec, Ontario : de nombreux gouvernements ont déjà établi un prix carbone qui continuera d’augmenter. L’industrie canadienne verra donc sa compétitivité mondiale sérieusement compromise si elle n’entame pas immédiatement la réduction de ses émissions. Une économie compétitive sait prévoir et adopter les changements inévitables, sans laisser ses concurrents la devancer.

Pourquoi est-il urgent de tarifer le carbone ? Parce que notre économie et notre bien-être ne peuvent se permettre d’attendre plus longtemps.


À propos de l’auteur

Nancy Olewiler est économiste et professeure à l’École de politique publique de l’Université Simon Fraser, ancienn membre du Comité technique de la fiscalité des entreprises, et commissaire de la Commission de l’écofiscalité du Canada.

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