L’avantage des compteurs d’eau: on ne peut gérer ce qu’on ne mesure pas
Mesurer notre consommation d’eau est essentiel si nous voulons gérer cette ressource de manière soutenable. Les compteurs d’eau fournissent aux services municipaux des eaux de l’information vitale sur les quantités, les périodes et les lieux de consommation. Pour cette raison et plusieurs autres, l’installation de compteurs d’eau est la bonne pratique numéro 1 recommandée dans notre récent rapport, Cacher les aqueducs mais pas leurs coûts. Ce billet explore plus en profondeur les avantages – et les coûts – associés à l’installation de ces compteurs.
Une vieille technologie qui a fait ses preuves
Les avantages des compteurs d’eau sont bien documentés (voir par exemple ici et ici). Grâce à eux, les services publics peuvent mesurer la consommation selon la période, le lieu et le type d’utilisateur. Cette information leur permet de repérer (et de réparer) plus vite et avec plus de précision les fuites éventuelles. Par exemple, en Colombie-Britannique, le district régional de Sunshine Coast a utilisé l’information fournie par les compteurs pour dépister et colmater plus de 1 000 fuites dans son réseau jusqu’ici, pour des économies d’eau d’environ un million de litres par jour.
Les compteurs aident aussi à planifier les investissements à long terme et à identifier les aspects à prioriser pour améliorer l’efficacité du système. Les compteurs intelligents possèdent des avantages supplémentaires, comme de fournir une rétroaction en temps réel tant aux services publics qu’aux consommateurs.
Mais surtout, l’installation de compteurs d’eau est un prérequis à l’établissement de redevances d’utilisation basées sur le volume d’eau consommé, pratique qui favorise la conservation de la ressource. Ainsi, selon Statistiques Canada, les ménages qui paient une redevance de ce type consomment en moyenne 35 % moins d’eau que ceux qui sont dépourvus de compteur et qui paient un tarif forfaitaire (voir le graphique).
Source : calculs à partir de l’Enquête sur l’eau potable et les eaux usées des municipalités d’Environnement Canada de 2009
Retardataires et hésitants
Bien que les compteurs soient plus courants que jamais, ils demeurent rares dans les maisons de plusieurs municipalités canadiennes (voir le graphique).
Source : calculs à partir de l’Enquête sur l’eau potable et les eaux usées des municipalités d’Environnement
Le taux de pénétration de cette technologie est particulièrement bas à Terre-Neuve-et-Labrador, à l’Île-du-Prince-Édouard, au Québec et dans certaines régions de la Colombie-Britannique. Au contraire, les ménages des Prairies, de l’Ontario et de la Nouvelle-Écosse vivent avec le comptage de leur consommation d’eau depuis des décennies.
Les compteurs sont certes plus fréquents chez les usagers industriels, commerciaux et institutionnels (ICI), mais il y a encore place à l’amélioration. Moins de 70 % des petites entreprises possédaient un compteur d’eau dans les communautés de moins de 10 000 habitants en 2009. À Montréal, la moitié environ des usagers ICI ont un compteur; on vise à les atteindre tous d’ici 2022.
Cher au début, payant pour longtemps
Pourquoi certaines municipalités tardent-elles à faire installer des compteurs d’eau si les avantages sont si évidents?
Avant tout, c’est à cause des coûts initiaux. Acheter et faire poser un compteur d’eau peut coûter entre 200 et 1 000 dollars par unité. Par exemple, pour passer à la nouvelle génération de compteurs intelligents, Halifax a dû débourser 25 M$, soit environ 300 dollars pour chaque raccordement. La barre est proportionnellement plus haute pour les petites agglomérations disposant en général de revenus plus limités.
Et pourtant, l’expérience recueillie dans tout le pays montre que les avantages à long terme l’emportent sur ces coûts. On estime que le passage aux compteurs intelligents à Halifax permettra au service public d’économiser environ 1 M$ par année. Toronto, pour sa part, a dépensé 168 M$ pour installer des compteurs, pour des économies annuelles de 33 M$; l’investissement sera rentabilisé en sept ans.
La chose peut aussi profiter aux petites municipalités. À Stratford (Î.-P.-É.), l’achat et l’installation de compteurs d’eau devrait permettre, sur le cycle de vie des compteurs, de réduire le nombre de fuites et de faire épargner de l’argent au service public et aux usagers. Et lorsque le financement est un obstacle plus sérieux, les petites communautés peuvent recourir aux subventions provinciales ou fédérales pour compenser les coûts initiaux.
Les municipalités hésitent parfois à se mettre à l’heure des compteurs d’eau, parce que leurs bénéfices – contrairement à leurs coûts – ne sont pas aisément quantifiables. Pour justifier leurs décisions, elles doivent se fonder sur des analyses coûts-avantages. Or, estimer la valeur des dommages aux aquifères qui ont pu être évités, par exemple, ou les dépenses d’infrastructures qu’on a pu retarder, est une opération complexe.
Incontournables compteurs
Nous vivons à l’ère de la gestion de données. La plus grande partie de ce que nous utilisons et consommons est mesuré. Essence, électricité – où que l’on regarde, tout est compté et géré. L’eau, notre ressource la plus précieuse, ne devrait pas faire exception.
Les compteurs d’eau ont pour vocation fondamentale d’améliorer la façon dont les municipalités mesurent et gèrent leur eau potable et leurs eaux usées. Les avantages sont écologiques aussi bien que financiers, et ils se font sentir longtemps. Si l’on s’arrête pour réfléchir à ces avantages, les compteurs d’eau sont un choix évident. Ils sont essentiels à une gestion durable des systèmes d’aqueducs et d’égouts, en même temps qu’un préalable à nos neuf autres bonnes pratiques en la matière.
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