Résumé
Quoique rares, les catastrophes environnementales – déraillements de trains, ruptures de bassins de décantation, déversements de pétrole, etc. – peuvent coûter cher. L’activité économique sur laquelle repose notre prospérité comporte des risques environnementaux. On ne peut éliminer ces risques, mais il est possible de mieux les gérer. Comptabiliser et tarifer le risque environnemental est la clé.
Du point de vue des décideurs publics, la gestion du risque consiste à mettre en place les bons incitatifs. À la base, les entreprises souhaitent bien sûr éviter les accidents et les dommages environnementaux, vu ce qu’il peut leur en coûter financièrement et du point de vue de leur réputation. Mais ces incitatifs peuvent se révéler insuffisants.
À cause de lacunes dans les politiques existantes – que nous appelons des « déficits de responsabilité » –, les entreprises ne sont pas toujours tenues pleinement responsables. Ces lacunes font passer le fardeau du risque (et le coût des éventuels dommages environnementaux) de l’entreprise aux contribuables. Par exemple, l’entreprise qui a déclaré faillite sera incapable de payer entièrement la réhabilitation des sites dégradés, et la société devra éponger le surplus.
Lorsque les entreprises n’assument pas intégralement le coût des dommages environnementaux qu’elles sont susceptibles de causer, elles sont moins portées à agir pour réduire ces risques. Par conséquent, les catastrophes industrielles deviennent alors plus probables.
Grâce à de meilleures politiques de garantie financière – cautions, assurances, fonds mis en place par l’industrie, etc. –, on peut remédier au problème en mettant un prix sur le risque environnemental. Les garanties financières créent pour les entreprises une incitation à la réduction du risque. Elles font en sorte que les contribuables ne se retrouvent pas à assumer le coût des dommages environnementaux, dans les rares cas où des catastrophes se produisent. Et elles soutiennent l’activité économique en mettant les forces du marché au service de ces objectifs, au moindre coût.
Le présent rapport expose le problème des risques environnementaux non comptabilisés et passe en revue les solutions possibles. Il identifie cinq types de déficits de responsabilité pouvant faire en sorte que les entreprises n’assument pas pleinement le coût d’éventuels dommages environnementaux. Le rapport montre comment la garantie financière peut combler les déficits de responsabilité et évalue les avantages et inconvénients de plusieurs instruments de garantie financière. Et il propose une étude de cas détaillée sur les garanties financières dans le secteur minier au Canada, fondée sur une évaluation des politiques en vigueur au Yukon, en Colombie-Britannique, en Alberta, en Ontario et au Québec.
Principales recommandations
Les décideurs publics canadiens devraient combler les lacunes des politiques en vigueur en tarifant le risque
Les décideurs publics devraient accroître leur utilisation de la garantie financière. En augmentant le degré de responsabilisation financière des entreprises à l’égard des dommages environnementaux qu’elles pourraient causer, on les incite à agir avec prudence. Les décideurs devraient notamment bonifier les politiques en vigueur afin de mettre un prix sur les risques qui ne sont pas tarifés à l’heure actuelle. Par exemple, dans le secteur minier, les gouvernements devraient élargir la garantie financière au-delà de la simple réhabilitation des sites pour couvrir les dommages dus à d’éventuelles catastrophes, comme la rupture des bassins de retenue des résidus.
Les décideurs publics devraient évaluer le risque de manière exhaustive, afin de calibrer correctement leurs politiques de tarification du risque
L’évaluation du risque est cruciale pour déterminer la valeur de la garantie financière requise par les gouvernements. Trop exiger fait grimper les coûts inutilement, mais exiger trop peu limite la capacité de la garantie financière à réduire le risque et à financer la réhabilitation en cas de catastrophe. Les décideurs publics devraient ajuster la valeur de la garantie financière exigée en fonction du profil de risque de chaque entreprise. Les entreprises à haut risque devraient offrir des garanties plus élevées que les entreprises à faible risque.
Les décideurs publics devraient combiner plusieurs instruments de tarification du risque lorsque les risques sont majeurs
Il peut arriver qu’une entreprise soit incapable de fournir une garantie pour l’ensemble des coûts potentiels, particulièrement s’il y a un faible risque d’accident extrêmement coûteux. De même, les tierces parties qui fournissent une garantie peuvent se révéler incapables d’en offrir une qui soit suffisamment élevée pour couvrir des coûts très importants, ou être simplement peu disposées à le faire. Dans ces situations, les décideurs devraient recourir à des solutions de garantie financière à plusieurs paliers. Dans un tel modèle, l’entreprise et le fournisseur de garantie externe offrent une couverture de risque jusqu’à un certain montant. Passé ce seuil, une assurance à l’échelle de l’industrie ou un instrument financier public entre en action.
La société devrait partager le fardeau du risque environnemental seulement dans des cas précis
Certaines circonstances peuvent justifier le partage du risque entre les entreprises privées et la société en général. Par exemple, dans plusieurs secteurs des ressources naturelles, les entreprises paient des redevances au gouvernement. Puisque la société prend part aux bénéfices de l’activité économique, on peut arguer qu’elle devrait prendre part aux risques également. Mais dans d’autres cas, le coût du partage des risques peut dépasser les bénéfices. Le partage des risques est alors une subvention indirecte, et il peut engendrer des distorsions économiques qui augmentent la probabilité ou la gravité des dommages environnementaux.
Les décideurs devraient préciser et justifier leurs priorités, pour ensuite concevoir et mettre en œuvre des politiques en cohérence avec leur vision
Les décideurs publics devraient justifier leur vision du partage des risques et démontrer qu’elle présente un gain net pour la société. Lorsqu’une politique favorise l’activité économique au détriment de la réduction des risques ou de la pleine compensation, les décideurs devraient faire la preuve que les bénéfices de cette approche (sous la forme d’une production et d’un investissement accrus) dépassent les coûts (sous la forme d’un risque environnemental et d’éventuels coûts sociaux plus élevés). De même, lorsqu’une politique favorise la réduction des risques et la compensation au détriment de l’activité économique, les décideurs devraient démontrer en quoi les avantages de la réduction du risque l’emportent sur les coûts associés à un investissement moindre.
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