L’idée du prix du carbone, c’est de ne pas le payer

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Le fonctionnement d’un prix du carbone ressemble à celui de tout autre impôt ou prélèvement. Toutefois, à la différence des taxes de vente et de l’impôt sur le revenu, qui servent avant tout à générer des revenus, le prix du carbone a pour unique fonction de réduire les émissions de GES (même s’il génère aussi des recettes, mais c’est une autre question). On peut cependant y échapper – en réduisant ses émissions. C’est d’ailleurs sa raison d’être : qu’on évite de le payer.

À quoi sert vraiment un prix du carbone?

Le carbone inclus dans les biens et services que nous consommons a un important coût social. La forte concentration de carbone dans l’atmosphère intensifie les phénomènes météorologiques extrêmes, accélère la perte de biodiversité et acidifie les océans. Ces dommages environnementaux occasionnent aussi des coûts économiques considérables. D’où l’intérêt d’un prix du carbone, qui envoie ce signal clé : plus le contenu en carbone des biens et services est élevé, plus il en coûte cher à la société.

La tarification du carbone nous incite donc à renoncer à ces coûteuses pratiques. Pour les émetteurs, il s’agit de trouver les meilleurs moyens de l’éviter. Ce qu’ils peuvent faire en réduisant leurs émissions de GES. C’est tout le but de la manœuvre.

Sur la route

Mais la tarification du carbone a-t-elle vraiment ce pouvoir? Question légitime, à laquelle la théorie et les faits répondent tous deux par l’affirmative.

La majorité des émissions canadiennes sont désormais assujetties à la tarification du carbone, qui varie actuellement de 19 $ à 30 $ la tonne. Ces prix restent insuffisants pour engendrer de fortes réductions, mais ils ont déjà une certaine efficacité.

Prenons le prix de l’essence. Pour l’instant, la tarification du carbone lui ajoute une somme modeste (de 3 à 7 cents) qui demeure dans la fourchette des fluctuations courantes du marché. Ce signal de prix n’est sans doute pas tonitruant, mais il a un réel effet. Il fait augmenter le prix maximal et minimal de l’essence, et tous les niveaux de prix intermédiaires. Même à ce faible taux, il a donc un réel impact.

Si la consommation d’essence continue de progresser, ce n’est pas une raison pour abolir le prix du carbone, c’est plutôt signe qu’il faut l’augmenter.

Garder le cap

Les prix du carbone envoient deux types de signaux. Les prix actuels indiquent ce qu’il en coûte pour émettre des GES aujourd’hui; les prix à venir indiquent le coût des émissions futures. En annonçant leur hausse graduelle, on incite chacun à trouver les moyens d’y échapper (en achetant un véhicule écoénergétique, par exemple, ou en déménageant plus près de son lieu de travail).

Les prix du carbone sont encore faibles au Canada, mais ils passeront à 50 $ la tonne d’ici à 2022. S’il est clairement annoncé, ce délai laissera aux entreprises et aux citoyens le temps de s’adapter. Toute mesure qu’ils prendront pour réduire leur empreinte carbone leur permettra d’amoindrir le choc de cette augmentation. La certitude de la chose aura accéléré la modification de leurs comportements.

Mais ces prix doivent poursuivre leur ascension. Et plus vite elle se confirmera, mieux nous nous porterons. À l’heure actuelle, aucun plan ne prévoit un prix supérieur à 50 $ la tonne. Pour assurer au Canada d’atteindre ses cibles de réduction, les prix du carbone devront pourtant augmenter progressivement au-delà de cette somme. Pour dégager la voie vers la décarbonisation, il faut donc une trajectoire précise d’augmentation des prix. Ce qui stimulera la réflexion indispensable à la transition vers une économie faible en carbone.

Arriver à bon port

Tous les prix agissent sur les comportements, y compris les prix du carbone. Leur signal nous incite à restreindre notre empreinte carbone, à développer des technologies à faible intensité carbonique et à modifier progressivement nos habitudes.

Même faibles, les prix du carbone contribuent à ces changements. Plus ils augmenteront, plus nous trouverons des moyens d’y échapper et plus vite les émissions diminueront.

La tarification du carbone n’est pas un impôt comme les autres. Personne n’aurait l’idée de réduire ses revenus afin de payer moins d’impôt. Mais les entreprises et les citoyens avisés peuvent imaginer des mesures innovantes et abordables pour se soustraire au prix du carbone. C’est le but de la manœuvre. Pour arriver à bon port, chacun doit redoubler d’ardeur pour échapper au prix du carbone.

3 comments

  1. KABRE Anicet

    Bonjour,

    J’ai bien apprécié votre article car je travaille sur les politiques environnementales (taxes , marché de droits à polluer, etc) visant à réduire le niveau des rejets. Je m’intéresse particulièrement à l’efficacité de ces politiques en fonction de la structure du marché. Il ressort qu’augmenter la taxe ne conduit pas systématiquement à une réduction des rejets : son efficacité dépend du pouvoir de marché de la firme polluante. En effet, il existe un seuil pour lequel l’augmentation de la taxe n’a plus d’effets sur la pollution de la firme.

    Cordialement,

    • Brendan Frank

      Bonjour Kabre,
      Merci pour votre commentaire. Oui, il existe un seuil pour lequel l’augmentation de la taxe n’a plus d’effets sur la pollution de la firme. En matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), l’efficacité de la tarification du carbone n’a rien de systématique. Tout dépend de la rigueur des politiques mises en oeuvre. C’est ce facteur qui détermine leur efficacité : plus une politique est rigoureuse, plus elle créera de solides incitations à réduire durablement une plus grande quantité d’émissions. Cela dépend des coûts marginaux. Pour en savoir plus : ecofiscal.ca/rigueur

  2. Blanche Dumont

    La rigueur c’est quelque chose qu’on a oublié chemin faisant, dans tout, tout, il manque de rigueur, on trouvera toujours un moyen, une raison pour ne pas adhérer à une recommandation ou une loi qui est restrictive nonobstant que celle-ci est instituée pour le plus grand bien de la planète et l’humain. L’égoïsme et l’individualisme tuent.

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